LES ANARCHISTES ET L’ORGANISATION
vendredi 29 juin 2007, par ,
"Noir et rouge", n° 41, mai 1968
Aricle de Théo = Todo Mitev (voir biographie)
LES ANARCHISTES ET L’ORGANISATION
Un projet existe actuellement d’un congrès international, un camarade de langue anglaise discute ce projet en reliant la discussion à une critique du mou
vement. L’article a été traduit de la revue anglaise The Woodenshoe (42 New Compton Street, London W. C. 1). Avant de donner le texte de l’article nous donnons des extraits (forcément partiels et partiaux) du projet de Congrès, afin que le lecteur sache de quoi il est question. Ensuite nous donnons la traduction et enfin 2 remarques en conclusion.
Le Projet : « Lors du congrès de la Fédération Anarchiste Italienne (nov. 1965) il avait été convenu que la FA Italienne aurait la responsabilité d’organiser au printemps 1967 un Congrès Anarchiste Mondial qui pourrait avoir lieu à Carrara (Italie). Le Secrétariat de la CIA de Londres (1) le comité intercontinental de la Fédération Anarchiste Ibérique et L’Union des Anarchistes Bulgares en Exil avaient fait connaître leur accord sur le lieu choisi, ainsi que sur la date de mai 1967... le congrès de la F.A. Française confia au Secrétaire aux Relations Internationales la responsabilité de représenter la FAF dans la commission préparatoire... Forment la Commission Constituante Préparatoire du Congres International : X de la Fédération Anar. Italienne, X de l’Union des Anar. Bulgares en exil, X de la Fédération Anarchiste Belge, X et X pour la Fédération A. Ibérique, X représentant la Fédération A. Japonaise et X, Fédération A. Française... Nous demandons donc à tous les militants du mouvement anarchiste mondial de préparer ce congrès... » (Bulletin de la commission préparatoire au Congrès Anarchiste International p. 1)
« ... Il est demandé que ne soient admises au Congrès avec caractère délibératif que les organisations nationales. Les groupes non fédérés au sein des organisations nationales ne pourraient assister aux débats qu’à titre informatif.
Cependant pour les pays où n’existent pas de Fédérations Nationales, les groupes libertaires de ces territoires auraient la possibilité de participer au Congrès.
La Commission Préparatoire souhaite que les problèmes intérieurs du Mouvement Libertaire Espagnol soient résolus avant le Congrès, et étend ce souhait à toutes les organisations qui pourraient être dans les cas du M.L.E.
Devant le problème qui est posé par les groupements libertaires non fédérés au sein des organisations nationales, (2) et en considérant que le tout premier but de notre Congrès est d’ordre organisationnel : réorganiser internationale ment notre mouvement, la Commission Préparatoire, dans un but d’efficacité propose que le Congrès soit un « CONGRES DES FEDERATIONS ANARCHISTES » ... Il est bien entendu que la constitution d’une Internationale des Fédérations Anarchistes ne dénie à aucun groupement ou individualité le titre d’anarchiste... que les individus ou groupes qui ont des difficultés avec leur Fédération respective les résolvent... » (p. 17) (Les majuscules sont dans le texte, mais les soulignés sont de NR, les notes aussi.)
LES ANARCHISTES ET L’ORGANISATION
Très souvent lorsque l’on parle d’anarchisme, on tombe sur la critique : « les anarchistes sont contre l’organisation ; » On réplique aussitôt qu’il ne faut pas
confondre l’organisation libertaire d’une part et l’organisation autoritaire d’autre part. Pourtant même parmi les anarchistes on a parfois de la peine à comprendre que le rejet de l’autorité ne s’accompagne pas forcément d’un rejet de toute forme d’association.
Et en un sens il n’est pas surprenant que ceux d’entre nous qui sont influencés par des idées nettement autoritaires, puissent penser que s’ils rejettent l’autorité, ils abandonnent toute possibilité pratique de s’organiser, puisqu’ils n’ont pas d’expérience concrète d’organisation libre.
Paradoxalement, sont dans le même cas ceux d’entre nous qui réduisent un anarchisme dilué à un courant sociologique progressiste, élégamment teinté
d’extrémisme, et baignant dans un confortable sentiment de protestation permanente ; ils ne voient pas non plus la nécessité de s’organiser, puisque rien ne peut être fait, sauf ce qui va dans les sentiers battus du libéralisme.
Le mouvement Anarchiste proprement dit ne doit pas être identifié à ces excroissances parasitaires ; il affronte aujourd’hui un problème d’organisation,
et pas d’organisation de la Société Future, mais bien de sa propre organisation.
On parle de préparer un congrès international ; la discussion concernant l’ordre du jour demeurera stérile tant que nous n’aurons pas répondu à la question de base : » A quoi servira ce congrès ? »
Servira-t-il à préparer une « Fédération des Fédérations Nationales ? » comme le suggère la commission préparatoire de Paris, et comme l’exposent tout du long les camarades de la Fédération Bulgare, qui ont soigneusement expliqué comment au juste les groupes devraient s’unir pour former des fédérations locales. puis les fédérations locales s’uniraient en fédérations nationales et enfin les fédérations nationales pourraient se fédérer. Tout ça, il faut le dire tout de suite, sur le papier.
Le mouvement anglais a relevé le défi. On demande un petit effort de pensée, pour se poser la question : « QU’EST-CE QU’UNE FEDERATION ? ». Car la CNT espagnole et la FA bulgare présentent bien des plans clairs montrant comment une Fédération « doit » fonctionner, mais comme exilés, ils ont peu d’occasions de mettre tout cela en pratique.
QU’EST-CE QU’UNE FEDERATION ?
L’idée adoptée par la Commission Préparatoire du congrès. (commission qui s’est débrouillée pour éviter toute participation anglaise à ses travaux)c’est que les anarchistes qui ne font pas partie d’une Fédération Nationale ne pourront participer aux débats. Il n’est pas question de nier qu’un débat ne peut parfois, arrivé à un certain point, se continuer que par le départ d’une fraction.
Mais ce n’est pas le cas ici, et on en arrive à une situation telle qu’un groupe n’a qu’à s’intituler Fédération Nationale pour être reconnu comme tel ; un
groupe plus nombreux, arrivant pour se déclarer après l’autre, sera repoussé.
Ce procédé a hanté pendant des années l’Internationale syndicaliste-révolutionnaire, et l’a fait disparaître là où elle avait des possibilités légales d’action, ses mouvement « en exil » restant seuls pour la préserver.
Mais qu’on nous permette de jeter un regard critique, pour la première fois je pense, sur la notion de « mouvements anarchistes en exil ». J’ai plusieurs fois, dans des articles parlé de la situation « tragi-comique » des réfugiés politiques, et chaque fois, l’imprimeur. n’en croyant pas ses yeux. a changé le mot en « tragique ». Et certainement, le sort des réfugiés, en France en 1938/50 par exemple, était très aléatoire et dangereux ; ce fut peu le cas en Angleterre, où
l’exil politique sombrait dans la gérance de cafés, et où les réfugiés, regardant derrière eux vers leur ancien pays. pétrifiés en sel comme la femme de Loth, ne pouvaient que rarement être pris au sérieux en tant que force politique ; des « Autrichiens libres » alliés aux Russes blancs.
Les réactionnaires Polonais peuvent se considérer comme des exilés : mais comment des anarchistes qui rejettent la Nation-Etat, peuvent-ils être nulle part en exil ? Les Australiens, nombreux dans le mouvement à Londres se tordraient de rire si on leur suggérait qu’ils forment un « Mouvement Australien
en exil » mais les quelques anarchistes bulgares en Australie se considèrent sérieusement comme un « Mouvement Bulgare en exil ». Il est vrai qu’ils sont des expatriés forcés alors que les Australiens sent des expatriés volontaires... Mais les Irlandais, de toutes tendances politiques, s’en vont à l’étranger « volontairement ». - c’est à dire pour des raisons économiques - pourtant ils se
proclament toujours exilés de l’Irlande. Qu’a à faire ce sentiment dans l’action anarchiste ? On comprend qu’un nationaliste irlandais dise que les Irlandais en Angleterre ont besoin d’organisations syndicales distinctes ; on ne comprend pas que nos camarades espagnols, dont beaucoup ne retourneront jamais en
Espagne, et qui, loin d’être nationalistes, ont précisément risqué leur vie contre les Nationalistes, on ne comprend pas, dis-je, pourquoi ils s’accrocheraient après 28 ans d’exil (ne parlons pas des jeunes qui n’ont jamais été en Espagne) à la notion d’« exilé » au point d’avoir besoin d’organisations séparées. Après 28 ans d’exil on n’est plus un réfugié politique, pas plus qu’on n’est encore un adolescent. « Un réfugié » à cet âge est aussi tragi-comique qu’un adolescent qui a la quarantaine.
QUE PEUVENT FAIRE LES EXILES ?
Mais direz-vous le mouvement en exil a un but. Je souhaiterais de savoir lequel : préparer une expédition à la Garibaldi vers la mère-patrie ? Revenir
en colonnes de marche, et reprendre les cités perdues dans la retraite ? (3). Etre invité à revenir par un mouvement révolutionnaire pour en prendre la tête ?
Soyons sérieux.
Il est vrai que les réfugiés autrichiens en 39/44 se maintinrent fermement organisés, en Parti, et retournèrent dans leur pays avec les armées alliées, pour former à la fois le gouvernement et l’opposition, en restant très liés. Mais ceci serait évidemment inconcevable pour des anarchistes. Il y a eu pourtant des voix pour suggérer la formation d’un « parti anarchiste » aux Cortes, sans doute pour prendre part, une fois encore, à un gouvernement-bidon dans une République-bidon.
Un mouvement en exil peut-il rester en contact avec le mouvement de l’intérieur ? Certainement. Mais quels liens a-t-il que les autres, parmi nous, n’ont pas ? Ceux du sang ? Oui mais il les a avec l’oppresseur aussi.
Le mouvement en exil aurait été plus efficace s’il s’était intégré au mouvement local, avait apporté ses expérience pour aider à son développement, et créé ainsi en même temps l’appui des travailleurs du pays pour le mouvement clandestin dans leur pays d’origine. Ce fut pendant de longues années l’attitude
des anarchistes italiens. Ils formèrent des mouvements de langue italienne, pas des mouvements en exil, et leurs militants prirent part à la formation de mouvements anarchistes locaux partout dans le monde.
Ils aidèrent le mouvement en Espagne, en Argentine, en France, en Angleterre, tout en gardant leur intérêt pour les affaires d’Italie (voir par exemple les tentatives pour supprimer Mussolini.) Mais pas au point de tomber dans le nationalisme. Des anarchistes russes en firent autant : Bakounine, bien
qu’il vînt, à l’origine, d’une conception panslaviste, devint un internationaliste à tous crins ; Kropotkine était critiqué par les révolutionnaires russes patriotes, parce qu’il « abandonnait› la Russie en s’intégrant aux mouvements français ou anglais. Et Emma Goldman raconte (dans « Vivre ma vie ») que quand Alexandre Berkman et elle, après leur expulsion des USA, voulurent parler dans un meeting composé de Russes, ils s’aperçurent avec étonnement qu’ils ne savaient plus parler russe. (Leur séjour aux USA avait duré à peu près autant que l’exil du mouvement espagnol).
Lénine évidemment se tenait plus au courant de la Russie que cela, et il a réussi ; mais il avait l’intention de former un gouvernement de politiciens. Si le réfugié politique a l’intention de retourner dans son pays pour le gouvernez, ramené par des armées étrangères, ou par un chimérique « rappel du peuple », il a certainement intérêt à ne pas oublier sa langue maternelle.
Mais, pour un libertaire, choisir de rester un réfugié politique (c’est à dire choisir de le rester une fois que son domicile ou ses occupations l’ont fixé quelque part) cela trahit une tendance au nationalisme incompatible avec le rejet complet du leaderisme imposé. Ceci n’est pas écrit pour dévaloriser les anarchistes bulgares ou espagnols ; ils peuvent remarquer eux-mêmes de telles tendances dans leurs rangs.
Et à vrai dire dans l’idée même d’une fédération « serrée » il y a la croyance qu’une telle organisation doit garder les exilés « ensemble »... Señor de Madariaga peut rêver que les Cortes stimulés par l’Europe libérale, insister pour qu’il revienne et devienne président de la République. Mais un réfugié ne libérera jamais son pays ; ou il se libère lui-même ou il reste dans la servitude. L’empereur Haïlé Sélassié est revenu à Addis Abeba : la CNT de Toulouse ne rêve sûrement pas qu’elle va de cette manière retourner dans ses anciens bureaux de la rue Layetana ?
UNE FEDERATION EST-ELLE UN PARTI ?
Quand les anarchistes parlent d’une fédération et renoncent à l’idée de constituer un parti politique, ils doivent garder à l’esprit que les mots sont souvent sans importance. S’appeler Fédération Anarchiste, et pourtant perpétuer les mêmes processus de bureaucratie, et d’abdication de responsabilité, de cartes de membres, d’imposition des décisions majoritaires à un congrès etc., c’est jouer sur les mots. Si ça n’est pas un Parti, alors qu’est-ce qui l’est ?
Oui, c’est facile aussi de ne pas avoir de bureaucratie, pas de carte de membres, mais une bonne petite appartenance, des décisions prise sans congrès
pour les approuver, sans intention de les concrétiser, tout ça se rencontre aussi !
Une « Fédération des Fédérations » gênera simplement la coopération internationale par la création d’un faux organisme qui ne sera qu’une nouvelle
bureaucratie. Au pire, elle pourrait même devenir quelque chose comme l’Internationale trotskyste qui accorde son investiture à ceux qui sont dans la ligne et se sert de l’internationale comme d’une force disciplinaire contre ceux qui n’y sont pas. Internationale d’ailleurs devenue une farce puisque la ligne « officielle› est devenue moins nombreuse que la ligne « non-officielle ».
Pour qu’une organisation puisse raisonnablement se nommer « Fédération anarchiste », c’est à dire une union de groupes anarchistes, il faut qu’elle soit
composée de groupes qui aient une vie réelle et active, et plus leur vie sera active, moins ils abdiqueront, ou même délégueront leurs responsabilités. Une telle fédération ne pourrait que correspondre avec les données réelles de la situation actuelle, ses groupes seraient de véritables groupes et pas une panoplie de carton-pâte.
A vrai dire, on peut se demander, et comprendre qu’on se demande si les groupes ne sont pas superflus, puisque la révolution est à sa naissance quelque
chose de spontané ; mais en même temps, que la révolution ne peut être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, la conscience de l’anarchisme ne peut venir que de ceux qui ont accepté cette idée.
Lorsqu’on regarde la composition des conseils ouvriers (4), dans la mesure où ils existent dans l’industrie aujourd’hui, on voit qu’ils reflètent malgré
tout le type de conseils qui surgiraient lors d’une crise révolutionnaire. L’ensemble des travailleurs d’une usine y sont représentés ; mais les conseils les plus actifs sont appuyés par des organisations extérieures, avec des partis et des factions. Les anarchistes doivent-ils aussi s’unir, en dehors de l’usine avec ceux qui sont opposés à l’autorité ? C’est seulement dans cette vue qu’on souhaite une organisation d’anarchistes : une organisation mettant en contact ceux qui sont
décidés à résister à l’autorité, avec un soutien nécessaire, matériel et moral,pour s’opposer à ceux qui souhaitent imposer une autorité.
Empêcher une organisation quelle qu’elle soit, même anarchiste, de devenir une bureaucratie est une tâche herculéenne ; elle ne peut être menée à bien que par la révocabilité immédiate ; nous sommes tous conscients que des groupes fonctionnels peuvent devenir bureaucratiques ; c’est un fait, et si le problème se pose dans le cadre d’un groupe local où tous au moins en théorie peuvent être rassemblés en un moment, il devient beaucoup plus sérieux dans le cas d’une internationale qui se réunit peut-être tous les cinq ans. C’est un triste fait que la FAI et le mouvement libertaire en général n’ont pas pu se débarrasser de la bureaucratie imposée en 1936, alors qu’elle s’est compromise d’une façon incroyable.
C’est le même problème qu’affronte la formation d’une internationale. Et pourtant, si nous pouvions créer un mouvement international non-bureaucratique et libertaire, nous serions capables de montrer que l’anarchisme n’est pas impossible. Or jusqu’à présent, et depuis longtemps, le mouvement anarchiste, et plus particulièrement l’air raréfié du mouvement international et des mouvements en exil, a ressemblé surtout à une Loge Maçonnique, dont les initiés gardent des secrets qui ont depuis longtemps cessé d’être. Il faut espérer. peut¬être avec trop d’optimisme, qu’enfin nous arriverons à passer au travers. à créer une situation où des anarchistes peuvent discuter de problèmes mutuels, ou même d’actions concertées, critiquer leurs mouvements respectifs sans soulever des accusations d’"interférence" (5). Une situation où profiter ensemble des succès comme des erreurs.
l’Internationaliste.
NOS REMARQUES
Nous sommes d’accord avec cet article Nous avions déjà pris une position analogue, mais très brève, dans Noir et Rouge,n° 38, nous la répétons de nouveau : la participation et les débats à un congrès ne doivent pas être limités par des critères formalistes et bureaucratiques, mais doivent être orientés par des critères idéologiques, larges peut-être, mais clairs, explicites, publics.
Il n’était pas inutile de souligner comme l’ont fait les camarades, que les exigences les plus sectaires viennent de Fédérations qui ont les plus graves difficultés intérieures, et qui préfèrent dès le départ assurer « l’exclusivité » de la représentation à leurs leaders.
Sur les problèmes d’organisation nous sommes aussi d’accord pour nous élever contre deux « excroissances parasitaires
D’un coté l’ anarchisme dilué, et identifié à une vague protestation pseudo-philosophique et individualiste sans contenu social, avec une prétention humaniste (en acceptant donc l’idéal de coexistence des classes), un refus permanent de tout type d’organisation, ou bien d’une association-famille de tout et de n’importe quoi.
De l’autre côté (mais en fait du même côté, comme le montre le projet de congrès où les partisans du syndicat FO, les individualistes-philosophes, avocats de la libre entreprise, les apologistes de la défense du monde libre, etc., font cause commune) l’accent mis presque exclusivement sur l’aspect organisationnel, en sacrifiant tout à l’organisation, elle-même ramenée à une organisation¬symbole, drapeau, quelque chose comme un miracle capable de résoudre tous les problèmes, mais en réalité les étouffant tous pour sauver la façade ; c’est-à-dire une mauvaise copie d’exemples déjà mauvais, du type des partis politiques et autoritaires
Mais le refus de ces attitudes ne suffit pas. Il faut aller à la recherche et à la pratique de l’organisation révolutionnaire souple, non-exclusive, où seront effectivement pratiqués et vivants l’autonomie des groupes et le regroupement des efforts de type fédéraliste, la formation des individus et la responsabilité et le contrôle collectif. Cette organisation ne sera évidemment pas créée de manière idéale, ce sont nos expériences, nos exigences, nos besoins, et la compréhension des possibilités ou des impossibilités pratique de tel moment, à tel endroit, qui feront se réaliser et vivre une organisation anarchiste absolument indispensable pour coordonner et confronter, critiquer aussi, les quelques efforts
dispersés actuels.
Une dernière remarque concernant les exilés
En tant qu’émigré moi-même, j’ai eu souvent à discuter de ces problèmes,et il faut dire qu’à quelques exceptions près, la critique des camarades anglais est valable
Un exilé est souvent mal adapté et « étranger » dans un autre pays : son attitude de repliement sur lui-même et sur son passé, son refus de chercher une adaptation dans le milieu où il vit, le conduisent à un comportement psychologique et social absolument anachronique, cette attitude est encore moins compréhensible dans le cas d’un anarchiste et d’un internationaliste.
Mais il faut dire aussi que la tâche d’adaptation (dont il ne faut pas sous¬estimer la difficulté) n’est pas toujours facilitée par l’attitude des « autochtones » qui collent une étiquette d’ « étrangers » aux exilés, ne les adoptent pas
intégralement, et se conduisent eux-mêmes en nationalistes ; et ici aussi, l’attitude est encore plus incompréhensible quand il s’agit d’ « anarchistes ».
THEO
1) Ce « Secrétariat » est actuellement composé du seul « secrétaire » qui n’est plus depuis longtemps mandaté par personne. Le Secrétaire vit en Angleterre mais paraît être souvent inconnu des camarades anglais. L’article qui suit montre que les groupes londoniens ignorent son existence. Nous correspondons avec lui, bien que nous ne soyons pas de son avis (puisqu’il considère la religion, et même l’église catholique, comme quelque chose de positif).
2) Rappelons qu’il existe par exemple en Italie des « Groupes anarchistes fédérés », et des groupes isolés, en France une « Union des groupes anarcho-communistes », une « Union anarchiste-syndicaliste », et une liaison de discussion formée par une dizaine de groupes récemment sortis de la Fédération Anarchiste Française, et par quelques autres qui n’y avaient jamais appartenu, également une « Fédération Ibérique des jeunesses libertaires » ; que la « Fédération des anarchistes bulgares en Exil » ne représente précisément que ceux de ces camarades qui ne se sont pas intégrés au travail fait en France, qu’il existe des groupes non formés en Fédération Nationale en Australie,en Amérique, etc. Qui représentera « son pays » ? Ceux dont le titre comporte le mot Fédération ? Si le futur congrès se définissait comme une tendance avec un minimun de définitions, on comprendrait, mais l’idée d’une « représentation nationale » est absurde et indigne d’un travailleur révolutionnaire. Faudra-t-il appeler ce congrès celui de la tendance National-anarchiste ? Dans ce cas il faudrait constater que le « notre mouvement » auquel fait allusion le texte cité n’a rien en commun avec un mouvement anarchiste, quelles que soient ses tendances.
Notons aussi qu’il semble que parmi les organisations contactées pour « représenter » un pays, un certain nombre, qu’il faudrait préciser, sont en fait opposées à ce système. Il ne faut donc pas se désespérer, il n’y a tout de même pas que des nationalistes dans le mouvement anarchiste. Mais il est vrai aussi que ce sont eux qui ont réussi à faire le plus de bruit pour se rendre précisément « majoritaires » et « représentatifs ». Notions tout juste bonnes pour des parlementaires bourgeois.
2) Pourtant, en 1945, des colonnes de partisans du Sud Ouest de la France, où les réfugiés Espagnols étaient nombreux se dirigèrent dès la libération, avec armes et bagages vers la frontière espagnole - il est vrai qu’à l’intérieur, beaucoup d’Espagnols se préparaient encore au soulèvement - les colonnes furent stoppées par les Alliés, les groupes de l’intérieur se soulevèrent et furent massacrés. Franco, dont l’avion était pourtant prêt pour la fuite, se rassura ; le bail était renouvelé. (J. Hermanos - La fin de L’Espoir).
4) En Angleterre les assemblées d’usines ou de chantiers, ’et leurs shop-stewards, c’est à dire, délégués de boite, d’atelier, entrent assez souvent en conflit avec les syndicats.
5) En avril 1966, un groupe libertaire Espagnol, le groupe let Mai, réussissait une action qui eut un grand retentissement, l’enlèvement d’un prélat espagnol en Italie - L’action était immédiatement désavouée par le secrétaire général de la CNTE - la presse bourgeoise s’empressait de rendre public ce « désaveu ». Plusieurs groupes français envoyèrent une lettre au Secrétaire disant notamment : « ...vous ne pouvez condamner l’initiative d’un groupe de base, sur le simple argument qu’il ne vous en a pas référé avant de l’entreprendre : c’est nier ce que nous appelons l’autonomie des groupes... vous exprimez un jugement catégorique sans le fonder explicitement sur aucune déclaration d’orientation qui ait pu être discutée par ceux qui vous ont confié un mandat... Mais surtout nous pensons à la lumière des révolutions et des mouvements ouvriers tout au long de ces dernières années que les arguments de l’orthodoxie, quels qu’ils soient, se sont révélés profondément vicieux et conservateurs... Quelle leçon politique vont en tirer ceux qui ont pu lire votre déclaration ? Vous avez profité d’une action qui suscitait l’intérêt, parfois l’enthousiasme des masses, jusqu’aux travailleurs non-politisés, pour donner une leçon politique qui est en contradiction totale avec le fondement de notre intervention en tant que mouvement libertaire... » Certains camarades de langue espagnole ont alors approuvé ce texte, certains autres ont envoyé des lettres de menace quasi hystériques aux signataires, la plupart ont observé un silence désapprobateur, et se sont laissé influencer par une campagne de calomnie sur « les jeunes qui... ».